#Onceaweek 0013 by HENRI-BERNARD MUSSO (DJ SHADOW)


Endtroducing de Dj Shadow a 20 ans et qui d'autre qu'Henri-Bernard Musso, dit HBM pour fêter ça comme il se doit? Cet iconoclaste de papier glaçant, terreur des scribouillards ultra-médiatiques et auquel les écrivaillons en manque de reconnaissance délivrent un véritable culte occulte, viendra de temps à autre nous apporter ses lumières musicales et nous parler d'autres choses si ça l'enchante. Chantre de son bon goût et des mauvaises manières, HBM a la plume acérée: les gouttes d'encre peuvent tomber! 

Le mix:



« Chronique de pérégrination: DJ SHADOW »



Rencontre avec JOSHUA PAUL DAVIS, 
un être si jovial et talentueux.



ENTRODUCING...

Nous sommes le 15 du mois de septembre, en l'année 2016, en Californie. « La Californie » comme le chantait Julien Clerc est un berceau musical à l'américaine dont le groupe le plus emblématique pour ma part restera éternellement « Les garçons de la plage ».

Moi, HBM, Henri-Bernard Musso, je ne m'en cache pas, je suis féru du travail harmonique de Brian Wilson, j'aime toute son œuvre. Cet homme est un génie comme il en existe peu encore sur les plages californiennes. Avec ce DJ SHADOW, la suite de cette chronique me contredira. Je venais de rencontrer un deuxième petit génie sans le savoir encore, des platines celui-là.

En cette rentrée, Arielle et moi-même « surfions donc in USA » en villégiature, pour une fois. Nous décidâmes de nous éloigner de la folie urbaine et mythique de San Francisco pour découvrir Mill Way, ville connue pour son bon vivre artistique et sa population aisée, ce qui n'était évidemment pas pour nous gêner. J'étais un peu lassé de côtoyer la misère, je l'avoue en toute bonne foi. Je me battrai à mon retour de vacances car je suis comme ça, généreux dans la lutte sociale à l'internationale. Passons... Nous étions avec ma cantatrice de femme rachitique et blonde à 10 minutes de San Francisco, et par je ne sais quel miracle, je dis bien miracle, nous avons été abordé par un homme cool, , en casquette, roux, à la peau blanche, assez corpulent mais avec une jovialité incroyable. Le Prisunic local cher à Monseigneur ex-présidentiable PEJU venait d'ouvrir ses portes à la chaleur ambiante. «Hy Bro' ! How are you? I know your fuckin face! You're french, no? Writer? You know Michel Houellebecque?» me questionna l'homme en baggy. Il transpirait.

Je vous passe le reste de la conversation. Ce fut un tel panégyrique à mon égard que j'en suis presque gêné, imaginez, et pourtant je suis mon plus grand fan, vous le savez. Cet homme connaissait mon œuvre, surtout ma correspondance «Ennemis publics» avec Michel Houellebecque qu'il semblait apprécier plus que moi. Vexé, j'étais sûr d'avoir mal compris au final. «Ta réputation te précède encore mon aimé, c'est démoniaque», me dit-elle. Je ne connaissais pas l'homme, mais ce qui me surpris d'emblée c'est le landau de disques bourré de vinyles de tous horizons qu'il traînait comme un clochard devant lui. Il me dit s’appeler Joshua Paul Davis. Pourquoi pas ! Connu sous le pseudonyme de Disc Jokey Shadow. Il semblait être respecté ici. Et alors me dis-je, qu'est ce que j'en ai à foutre. Je restai poli, on avait de l'éducation dans le 16ème. Il ressorti du magasin frais comme un DJ avec un pack de Budweiser sous le bras. 

Le trajet fut formidable dans son gros pick up bourgeois. A l'arrière, le coffre ouvert à l'air West Coast était blindé de disques, c'était pittoresque et impressionnant. Moi, HBM j'étais heureux, ma femme beaucoup moins. Comme quoi on peut être DJ, pousser les disques des autres et avoir du goût me dis-je. La climatisation tournait à plein régime, il nous passa des groupes qui m'étaient jusqu'à lors totalement inconnus : Jurassic 5, Cut Chemist, uNKLE, des vieilleries country et funk, de tout, cet homme était un sacré mélomane. Même si je n'avais aimé qu'une infime partie des titres passés, le long trajet jusqu'à son impressionnante propriété avec vue sur lac passa à la vitesse du sillon, avec enchantement. Ma femme Arielle se boucha les oreilles tout du long en sifflant dans sa tête des airs d'opéra argentins, plus habituée au tapis rouge qu'à la poussière des longues routes californiennes. Ce trajet me rappelait mon intervention avec Amnesty International sur les pistes de Kandahar l'année passée.

Nous bûmes des bières dans son studio privé. DJ SHADOW était un artiste très connu avec une flopée d'albums à son actif. Par humilité, il n'osa pas me faire écouter ses titres à lui, préférant s'arrêter sur ceux des autres. Il me montra comment sampler les passages d'un disques de funk et me dit que son album le plus connu, celui qui lui avait permis de vivre de sa passion était sorti il y a tout juste 20 ans. «ENTRODUCING...» était sa pépite, une madeleine de Proust pour ses nombreux fans. Nous quittâmes Josh et sa femme en soirée, nous promettant de nous revoir dès l'année prochaine. Avant de passer la porte, en exclusivité, il me glissa dans la main la réédition des 20 ans de cet album.

Je ne l'écoutai que de retour à Paris. Je l'écoutai sans y prêter attention. Puis je l'écoutai, et le réécoutai en boucle. Moi, HBM, j'étais bluffé par des titres comme «Number song», «Mutual slump»... Moi HBM, j'étais émerveillé par ce digger charismatique et humble à l'allure de Wasp en casquette. Cet album avait quelque chose d'additif, de pur, de beau, d'universel, une force, une classe, une harmonie abstraite. Je compris enfin la puissance du sampling au fil du temps et ce chef d’œuvre était le fer de lance musical de hip hop expérimental, de l'abstract hip hop, quand le hip hop se veut instrumental et lunaire, allant jusqu'à être cité dans le Guiness Book des records en 2001. J'avais près de 15 ans de retard, mais pour une fois j'acceptai avec humilité mon échec. Étant partout et nul part, du Darfour au Yémen, j'étais tout bonnement passé à côté de ce bijou musical. La talent et la grâce du disque était à la dimension de leur auteur: un pur moment de génie.

Cet homme était le Brian Wilson 2.0 de la nouvelle ère californien, et la découverte de DJ SHADOW et de son album ENTRODUCING resterait pour moi le plus grand souvenir culturel de mes vacances californiennes.

Ce mix sur le blog Free&Legal est pour vous. Mon plaisir deviendra le vôtre, je l'espère. Ne me remerciez pas, remerciez JOSHUA, même si mon humanisme et ma plume montre ma dévotion à votre égard chers lecteurs. Tout comme DJ SHADOW, je suis une chance, un mélomane, profitez-en, et ruez-vous sur ENTRODUCING.

Littéralement et philosophiquement.

HBM, philosophe, reporter et bloggeur militant.

La playlist: 
1. BuiLDiNG STeaM iN a GRaiN oF SaLT 
(KeNaN BeLL - Kai SKy WaLKeR - uFFie x PLay'TiL - eRiK JaCKSoN*)
2. WaLKie TaLKie 
(QuieT eNTeRTaiNeR)
3. oRGaN DoNoR
(DJ FReNCHWaX* - LaTiNViP - SaM ReDMoRe - GioRGio MoRoDeR x DJ SCieNTiST*)
4. MiDNiGHT iN a PeRFeCT WoRLD
(JeNoVa7* - JaZZ-oNe - K22RK2Si)
5. WHaT DoeS youR SouL LooK LiKe
(MR MooDS*)
6. MoNGReL...MeeTS HiS MaKeR
(JaCK WiLSoN)
7. iN FLuX 
(MRAND7*)
*désolé les liens sont devenus payants ou morts pour le moment


HENRI-BERNARD MUSSO

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