METEOR CRATES #5 by KEOR METEOR

crédit: Richard Powers

"Meteor Crates" c'est un long voyage musical dans les profondeurs de la collection du plus américain des beatmakers français: Keor Meteor. Une odyssée sans fin durant laquelle les styles et les époques s'entrechoquent comme des météorites sur une planète très très lointaine, nous aspirant dans un trou noir tournant sur lui-même comme un vinyle sur ta platine. C'est beau, enivrant, à la fois dépaysant et mystérieusement rassurant car parsemé de madeleines filantes qu'on a déjà croisées au fil de nos escapades dans l'univers samplé du hip hop. Bon voyage intersidéral à tous!

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"Mais arrête de te faire des films, vieux!" La querelle entre le lieutenant Keor et le capitaine Whosampled n'en finissait plus de pourrir l'ambiance à bord de l'Enterprise Millenium. Même vous, chers lecteurs, devez être fatigués de cette intrigue sans fin ; non? tant mieux alors! Cette fois le ton était monté parce que le capitaine accusait le lieutenant de ne pas dire tout ce qu'il savait sur l'expédition, et trouvais fort suspect que la plupart des étoiles explorées lui étaient dédiées et que lui, malgré son travail titanesque depuis des décennies de recensement et d'archivage des samples les plus obscurs de l'art du sampling devait se contenter de quelques miettes. "Vous nous devez des explications! Lors de la dernière sortie pas moins de 4 étoiles avaient été utilisées par ce Keor Meteor que vous seul sembler connaître ici, et, sans parler de la coïncidence patronymique, vous nous ramenez votre poupée psyché... Barbababa, là! Que nous cachez-vous lieutenant?" Whosampled était violacé par la colère; la haine habitait son regard. Flegmatique, le lieutenant Keor ne fit rien pour calmer l'ire de son supérieur: "Barbarella... c'est sans nul doute un joli coup du destin des sentiments, mais vous savez je n'ai jamais été l'homme d'une seule femme et il se pourrait bien que Dj Cupidon nous fasse retrouver d'autres anciennes conquêtes. Par ailleurs, je ne pense pas qu'un homme aussi cultivé que vous puisse sombrer dans la théorie du complot si facilement... ce n'est quand même pas ça qui vous met dans cet état, captain'?" fit-il, l'air malicieux qui le caractérise dans ces moments-là, en montrant son collier en forme de... pyramide. "C'est un cadeau de ce bon vieux Imhotep... le dj hein, pas le pharaon ; je ne suis pas si vieux! Il est devenu ambassadeur de la musique à l'UNESCHIPHOP je crois ce vieux fada!"*. Soucieux de ne pas envenimer la situation je proposais à Keor de rester à bord lors de la mission et dû détendre Whosampled avec un extrait d'Endtroducing de Dj Shadow avant de prendre place dans le module.

Plongés dans l'obscurité de la cabine, confortablement installés dans les fauteuils pourpres, le volume poussé à fond qui couvrait à peine le bruit de la ventilation qui rappelait celui d'une Kineton d'occasion récupérée au palais du festival de Cannes, nous étions déjà, Whosampled et moi, dans une ambiance cinématique... il ne nous manquait que la bande originale de ce film qui n'existait pas et qui allait s'écrire sous nos yeux, au hasard des étoiles rencontrées. On peut dire que ça commençait fort avec ce titre extrait de la BO du film Goodbye Gemini (aussi connu sous le nom de Twinsanity... tout un programme) réalisé en 1970 par Alan Gibson pour dépeindre un swinging London orgiesque et malsain ; "Forget about the day and forget about the night" tout ce dont avait besoin le capitaine, qui se plut à me signaler que les Foreign Beggars avaient jadis utilisé un des morceaux de cette bande-son dans les prophéties du trou noir... tout un programme! C'est entre rêve et réalité que nous abordâmes alors la seconde étoile... recouverte de blé mur à point et dans laquelle une silhouette angélique semblait jouer à cache-à-cache avec nous. "Mais c'est Claudine!" Le capitaine m'arrachait la manche des mains et se posa pour voir de plus près celle qu'il croyait avoir reconnu. "Claudine! Claudine Longet! Est-ce bien vous?" Depuis la capsule d'exploration voir Whosampled courir désespérément après cette silhouette tout doit sortie d'un film nouvelle vague à la Truffaut-Godard me chagrina et j'espérai de tout cœur qu'il ne la rattraperai jamais, car, alors qu'il était concentré sur les commandes pour réussir son atterrissage, j'avais pu lire le message qui ornait la robe noire de la dite Claudine: "I Love Keor!". De retour à bord, essoufflé mais souriant, Whosampled me parla longtemps de cette icône de french touch période pop art "Quelle beauté, quelle classe la Claudine! C'est autre chose que la poupée gonflable du lieutenant n'est-ce pas?" Il avait la rancune tenace, heureusement pour tout le monde l'aveuglement de l'amour opérait parfaitement. 

On bascula dans une autre dimension après la découverte du Twilight Zone du mythique Dr. John, formidable remède à l'angoisse de la réalité qui troubla profondément le reste du voyage où l'on vit, pêle-mêle et sans être vraiment sûrs de rien: une course poursuite frénétique dans les rues du ghetto newyorkais aux côtés de Sonny Carson sur la musique de C.T. Perkinson, combo éminemment sacré chez les rappeurs intellos de la Grosse Pomme; une parfaite Christine McVie se prendre pour Emmanuelle dans son célèbre fauteuil en rotin, à quelques sillons duquel bougeaient les têtes un peu floues (c'est le bon album mais pas la même piste) de Earl Sweatshirt, Mos Def, 50 Cent, Snoop Dog et j'en passe! Eddie Clearwater comme réponse impossible à Devine qui vient swinguer ce soir? et enfin - surtout? - un improbable Lee Van Cleef grimé en John Rambo, ayant troqué les villages fantômes du Grand Canyon pour la jungle humide du Triangle d'Or et le colt à la ceinture par une mitrailleuse aussi lourde que lui en bandoulière, le tout sur une musique de chevelus aux synthé 80's... De l'action, de l'érotisme, du mystère et de l'humour subtil, on avait vécu une bonne - mais étrange - séance de ciné!

Pliés en quatre à l'écoute de notre récit sans queue ni tête, nos compagnons d'expéditions voulurent à leur tour se refaire les œuvres inscrites au Panthéon cinématographique de la planète H.I.P.H.O.P.: Western Spaghetti, Blaxploitation, Mafiosi, Ninjas contre Moines Shaolin, etc... tous les genres cultes y passèrent, chacun se lançant dans le jeu du "kikasamplé" et du "danskelfilmtentencetteréplik"... Une longue séance qui eut le mérite de nous occuper un bon bout de temps - je vous rappelle qu'on s'ennuie souvent à bord - et de faire oublier leur querelle à  Keor et Whosampled qui pensaient chacun de leur côté à la Claudine. Moi, je ne remettais pas - ça me le fait à chaque fois - de la beauté brûlante de Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l'ouest, désespérant de n'avoir jamais appris l'harmonica pour espérer la séduire, même en rêve!

à suivre...

*pour comprendre cette anecdote, il faut vous jeter sur le 1er épisode - puis les autres - de la série Beatmakers réalisée par David Commeillas et Samuel Hirsch de Clique.tv pour Arte Radio, consacré à Imhotep et aux samples du morceau L'école du micro d'argent. Indispensable.

Meteor Crates #5:


Tracklist #5:
(1970-Goodby Gemini OST) whosampled
(1970-Run Wild, Run Free) whosampled km
(1969-Babylon) whosampled
(1974-The Education of Sonny Carson OST) whosampled
(1970-Christine Perfect) whosampled
(1981-Two Times Nine)
(1984-Code Name Wildgeese OST) whosampled



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